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Combien pour le Groenland ?

Si les Etats-Unis achetaient le Groenland, combien devraient-ils débourser ?

La question relancée par Donald Trump en 2019 peut paraître curieuse, inappropriée et pourtant. En 1946 déjà, l’Amérique de Harry Truman avait proposé d’acheter le Groenland pour 100 millions de dollars en or. L’achat de territoires n’est pas un fait inédit, cela s’est déjà produit à plusieurs reprises au cours de l’histoire. Au XIXème siècle, souvenons-nous de l’achat de la Louisiane à la France en 1803 pour 15 millions de dollars (416 millions de dollars en valeur de 2024) ou de larges portions de territoires mexicain après la guerre américano-mexicaine. Et l’Alaska acheté à la Russie en 1867 pour 7,2 millions de dollars américains (plus de 150 millions de dollars américains actuels). En 1917, les Etats-Unis achètent au Danemark des îles Vierges pour 25 millions de dollars en pièces d’or – soit plus de 600 millions de dollars d’aujourd’hui. Les Etats-Unis ne sont pas les seuls à faire leur marché territorial. Au cours de l’histoire, « le Japon, le Pakistan, la Russie, l’Allemagne ou encore l’Arabie saoudite ont tous, à un moment ou un autre acheté des territoires et étendu leur juridiction aux personnes qui y habitaient afin de détenir des terres, d’avoir accès à des cours d’eau critiques ou simplement de contrôler des zones tampons géographiques » expliquent les professeurs d’économie Susan Stone et Jonathan Boymal.

Mais la question principale est de savoir comment valoriser le territoire et en fixer le prix. Combien pour le Groenland ? Le « rooftop du monde » est une île de 2,1 millions de km2 recouverte à 80 % de glace. Occupée par 56 000 habitants, son économie est fortement dépendante du Danemark (53 % de son budget annuel). Mais son potentiel économique et stratégique immense (minerais rares, pétrole, positionnement stratégique dans l’Arctique) pourrait faire grimper le prix. Selon la méthode utilisée, le Groenland pourrait s’acheter entre 10 et 77 milliards de dollars, « une bonne affaire » et 1 100 milliards, « un investissement colossal ». La première méthode s’appuie sur le PIB actuel du pays mais reste difficile à évaluer (capital humain, positionnement stratégique) et ne prend pas en compte le potentiel de développement (ressources minières et pétrolière en devenir). « Au-delà de ce qui existe déjà, du point de vue du marché, ce sont les ressources encore inexploitées qui font la valeur du Groenland » insistent les professeurs d’économie. Pour autant, il ne faut pas sous-estimer plusieurs facteurs comme les coûts d’exploitation de ressources difficiles à atteindre, le coût environnemental. Et surtout, cela ne prend pas en compte les facteurs humains et politiques du territoire. « Dans le monde d’aujourd’hui, l’achat d’un pays ou de l’un de ses territoires n’est peut-être rien de plus qu’une expérience de pensée. Les nations sont des entités politiques, culturelles et historiques qui résistent à la marchandisation. Le Groenland peut théoriquement avoir un prix, mais la vraie question est de savoir si une telle transaction pourrait un jour s’aligner sur les valeurs et les réalités modernes » concluent Susan Stone et Jonathan Boymal. 

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